Mise au point sur l’action du 21 juin et la propagande de l’Andra

Aujourd’hui voici qu’une polémique enfle autour d’une action qui s’est déroulée le 21 juin au matin sur l’hôtel-restaurant Bindeuil du complexe de l’Andra. Dans la presse on parle d’un « début d’incendie », d’une alarme qui s’est déclenchée, de clients de l’hôtel terrorisés. Le conseil d’administration de l’agence, dans une délibération rédigée avec « solennité », parle d’une « radicalisation extrême des opposants […] qui s’en prennent aux populations et au territoire » et constate « qu’un cap nouveau et inédit dans la violence de l’opposition a été franchi hier ».

Ce qui se dessine derrière c’est une tentative de déshumaniser les personnes portant ces actions, de construire une figure de radical-cagoulé marginal et sanguinaire qui aurait voulu blesser les personnes présentes dans l’hôtel, qui voudrait s’en prendre aux riverains des villages. À chaque fois qu’un mouvement de résistance prend un peu d’ampleur et de consistance il s’agit de construire une figure de grand méchant loup pour le diviser de l’intérieur. Quand la rhétorique des « méchants casseurs » ne suffit plus, voici qu’on compare carrément l’opposition à une mafia sans vergogne qui, selon la Préfecture, ciblerait « des entreprises, des sites et des personnes sans lien direct avec le projet Cigeo ». Soyons sérieux. De qui se moque-t-on ?

Dans sa délibération, l’établissement ose même affirmer son « soutien aux élus et aux riverains […] qui s’engagent au quotidien dans un projet d’intérêt général et vivent dans le territoire avec l’Andra ». C’est l’hôpital qui se fiche de la charité. On rappelle bien qu’il s’agit ici du « soutien » d’une agence qui distribue des centaines de millions pour se rendre indispensable depuis vingt ans ; qui envoie un de ses hommes de mains, Emmanuel Hance, intimider les agriculteurs et propriétaires, ou verser de l’essence à 10 cm d’opposants arc-boutés sur une barricade des opposants ; qui met la pression sur quelques habitants qui osent relever la tête (procès, intimidations). La seule entité qui « s’en prend aux populations et au territoire » ce ne sont pas les « opposants », mais l’Andra, de manière systémique.

Personne, en ce matin du 21 juin, n’avait pour objectif de s’en prendre aux personnes présentes dans l’hôtel, employés ou clients, et les terroriser. Ou bien de s’en prendre à des installations sans lien direct avec le projet. Ce qui est visé, c’est toute la logique économique qui sous-tend l’implantation de l’Andra et du nucléaire dans la région : la construction, à coup de carotte et de bâton d’une mono-industrie se rendant indispensable partout. Le 21 juin, en brisant quelques tables, chaises, verres, il s’agissait de contribuer à fissurer le règne de l’Andra sur l’économie locale, toute son entreprise de pénétration des consciences et du tissu économique. Cet hôtel n’est pas la propriété directe de l’Andra mais sa créature.

Depuis deux jours la campagne de propagande de l’Andra et de la Préfecture est digne de la chronique de faits divers : sur la page d’accueil de son site internet l’agence attribue aux opposants la destruction d’une antenne atmosphérique le 20 juin, alors que c’est l’entreprise elle-même qui est venue la démonter. Ensuite, l’agence atteste que le 21 juin « le personnel n’était pas présent dans ces espaces à cette heure », tandis que dans son article l‘Est Républicain donne la parole à un cuisinier sous le choc qui aurait été sur place…

Elle mentionne aussi des « pressions sur les habitants, les familles des élus ». Pour qui nous prend-on ? Ce qui fait que la résistance s’est redéployée lors des dernières années c’est justement la construction de liens forts avec des habitants du coin, un ancrage patient qui se manifeste aujourd’hui non seulement par l’occupation d’une forêt mais par des installations dans tout le territoire. Nous assumons par contre que M. Xavier Levet, en tant que personne publique, maire de Mandres, est un élu criblé de conflits d’intérêts, véritable VRP de l’Andra et devra être tenu comptable de ses actes. Mais en aucun cas sa famille n’a été cible de pressions.

Malgré toute la propagande, derrière les masques et les cagoules des gens qui agissent de cette manière, il n’y a pas de dangereuses personnes sanguinaires et inconscientes des conséquences de leurs actes. Il y a des êtres humains de chair, d’os, qui pensent et qui ressentent des émotions. Il y a des personnes qui ont grandi dans la région, d’autres qui sont venues s’installer plus tard, d’autres de passage, dans tous les cas des êtres humains qui ont à cœur le devenir de ce territoire. Les mains qui sabotent sont les mêmes que celles qui construisent des cabanes, retapent des maisons, font fleurir des potagers, animent des cantines collectives.

Depuis 20 ans, l’Andra prétend apporter développement, emplois, redynamisation du tissu local. Ces promesses sont fausses et de plus en plus de riverains comme d’élus ne sont plus dupes. L’industrie nucléaire s’implante sur les ruines d’un tissu économique régional qu’elle prétend rebooster… en accélérant sa chute. Qui voudra venir s’installer ou s’implanter à côté de la plus grande poubelle nucléaire du monde ? Une fois que tous les villages auront été vidés, ce qui se prépare c’est un désert radioactif militarisé, grillagé, saupoudré ça et là d’un hôtel-restaurant ou d’une supérette pour cadres du nucléaire de passage quelques jours – en aucun cas des personnes implantées sur le territoire comme voudrait le faire croire l’Andra.

Que ce soit dans les années 90 lorsque les premières grilles tombaient ou que des bottes de paille étaient incendiées, lors de la campagne d’action décentralisée Bure365 en 2014, ou bien l’occupation du bois Lejuc et l’attaque des grilles de l’Ecothèque lors de la dernière année, la logique est la même : s’en prendre non pas aux personnes mais à un projet aberrant et à tout le système qui le sous-tend.

Des hibouxes et gravitant-e-s de Bure.